Carnet de route

Raid à ski Chamonix-Zermatt par la Haute Route

Le 04/04/2023 par Caroline Rouppert

Du 4 au 10 avril 2023, nous sommes sept participants à avoir effectuer cette magnifique traversée guidée par 2 encadrants : Francis et Marco.

Mardi 4 : Nous montons par les télécabines de la station de l’Argentière puis rejoignons le glacier du même nom sous un vent à tomber par terre. Sous l’aiguille des Grands Montets. Celui-ci s’apaise et la douceur nous accompagne jusqu'au refuge d'Argentière. 1ères impressions : une neige agréable à skier dans un décor glaciaire entouré de 4000m. Les Droites, les Courtes, le mont Dolent nous écrasent de leurs parois abruptes. C’est grandiose.

Mercredi 5 : Au matin sous un ciel clair, nous redescendons de 400m le glacier pour prendre la trace du col du Passon (3028m). Nous le « passons » crampons aux pieds, skis sur le dos sous un soleil éclatant avant de redescendre sur le glacier du Tour dans une bonne poudre. Nous repeautons pour remonter jusqu’au col Blanc. De l’autre coté, la cabane du Trient nous attend au loin, nous sommes en Suisse.

Jeudi 6 : Une longue étape. Nous descendons le glacier puis remontons un petit couloir en mixte équipé de corde fixe jusqu’au col des Ecandies (2793m) puis redescendons dans le val d’Arpette ; 1300m de godilles pour les plus aguerris jusqu’à la station de Champex. Petite pause avant de prendre un minibus qui nous mène jusque Bourg St Pierre (1600m). Commence alors une longue et interminable montée vers le refuge de Valsorey (3033m), petite cabane au pied du Grand Combin. En fin de journée, il commence à neiger. Nous craignons le mauvais temps annoncé pour le lendemain.

Vendredi 7 : Nous partons tôt pour passer le Plateau du Couloir (3663m) avant le mauvais temps. La montée s’effectue sans encombre. Crampons, piolet, skis sur le sac pour le couloir long d’une centaine de mètres, pente finale à 40-45°, mais la neige fraîche nous facilite l’ascension. Nous redescendons sur le glacier du Sonadon mais devons rapidement repeauter. Au col, la brume nous enveloppe et ne laisse plus aucune visibilité. S’ensuit une longue traversée/descente entrecoupée de pauses tous les 20m pour vérifier notre direction et notre altitude grâce au GPS et applications cartographiques. Heureusement, elle finit par s’estomper, ce qui nous permet de nous repérer sur le glacier du mont Durand, d’admirer le Grand Combin visible un court instant et de descendre un passage raide. Nous aurons une autre nappe de brouillard une demi heure puis une longue traversée vers une petite croupe où le temps se dégagera enfin. Nous arrivons à la cabane de Chanrion qui est un véritable coup de cœur : il y a de l’eau, les locaux sont spacieux, l’accueil très chaleureux et la cuisine excellente. Ça retape !

Samedi 8 : La météo est de nouveau favorable. Nous remontons le glacier de Brennay puis prenons vers le nord ouest le glacier de la Serpentine jusqu’au col éponyme. Une courte descente puis nous chaussons les crampons pour une petite remontée sur glace qui nous surprend. Nous atteignons le sommet de la Pigne d’Arolla (3787m) point culminant de notre voyage. Le panorama sur les sommets environnants est juste grisant. Nous sommes entourés par les massifs du Valais et du val d’Aoste. Nous nous rassasions de la vue un moment puis descendons. Est-ce l’allégresse du sommet ou la légèreté de la neige, toujours est-il qu’au cairn bien visible où nous aurions du tourner, nous continuons à descendre jusqu’à la partie plate du glacier du Mont Collon, et là, nous déchantons rapidement. Il faut repeauter et remonter de 200m jusqu’au cairn... Nous parvenons au refuge des Vignettes épuisés après 1700m de dénivelé total sur la journée.

Dimanche 9 : Nous redescendons sur le glacier du mont Collon et remontons vers le col de l’Evêque (3380m). La neige toujours excellente, nous profitons d’une belle descente sur le glacier du haut Arolla puis remontons vers le refuge de Bertol sous un soleil généreux. Ce refuge haut perché se laisse atteindre par une échelle de 50m. Nous laissons les skis au pied à l’abri sous une voûte rocheuse. Le Cervin ou Matterhorn se laisse admirer entre la dent Blanche et la dent d’Hérens. C’est aussi notre dernière nuit avant le retour.

Lundi 10 : Dernière montée vers tête Blanche (3711m). Le vent nous contraint à une courte pause au sommet, le temps se couvre mais le Cervin domine toujours à coté de la dent d’Hérens, pas moins majestueuse. Au loin, se dessine les sommets du Mont Rose et plusieurs 4000m aux noms en « Horn ». Nous savourons notre dernière descente, passons à coté de crevasses gigantesques, slalomons entre des séracs au formes biscornus aux couleurs bleues translucides. Une longue traversée au pied du Cervin nous mène jusqu’à la station de Zermatt, point ultime de notre raid. Nous fêtons notre arrivée au premier restau-bar d’altitude rencontré avant de redescendre jusqu’à la ville où nous finirons à pied jusqu’à la gare.

En tout sur sept jours, nous avons parcouru une centaine de kilomètres et fait 7500m de dénivelé positif. Nous avons eu une très bonne neige et une météo bien clémente pour la région. Nous avons vécu une très belle et intense aventure. Les participants : Francis, Marco, François, Pierre-Jean, Laurence, Arnaud, Caro, Charles et Simon.

Un grand merci aux encadrants Francis et Marco d’avoir permis la réalisation de ce raid de grande ampleur et de nous avoir guidé tout au long de la semaine (par beau comme par mauvais temps!) Merci aussi à François pour ces magnifiques photos. Merci à Charles pour son appui cartographique lors de la traversée. Enfin, merci au CAF Haute-Provence et à ses bénévoles si actifs de donner l’opportunité à ses adhérents de vivre de si belles expériences en montagne. (Caroline)

 

Haute Route Chamonix-Zermatt : tout est bien qui finit bien (ou 7 jours de drôlerie)

"Crampons, crampons !" crie F. vers les compagnons stationnant au replat en peu plus bas sur le glacier de Lognan, surplombant l'Argentière. La housse avec les dits outils glisse dans la pente, mais elle s'arrête aimablement à une dizaine de mètres du cadre F., qui se précipite pour la ramasser. La configuration se répète quelques jours après au départ du refuge du Trient, cette fois avec une moufle de F. qui vole transportée par le vent en direction du cadre F. (dont le prénom est par ailleurs la version anglaise du premier), qui la réceptionne sans effort. A ce même refuge, Ca. s'aperçoit au départ d'avoir mis des chaussures très similaires aux siennes, mais qui sont pourtant celles d'une autre skieuse : le changement put s'opérer avant que les autres, en attente à -16 C, tombent en hypothermie.

Encore F., que l'on peut considérer le vainqueur du prix des cocasseries du raid, s'est entre temps souvenu d'avoir oublié le piolet dans le refuge, contretemps qu'il répétera au refuge du dernier jour (Bertol) : heureusement, il s'en souviendra avant d'avoir descendu les 50 m d'échelle séparant le refuge de la neige. Au palmarès de F., aussi une poussée amicale avec les bâtons sur le sac à dos du cadre M, sur une trace en très légère pente : pas mauvaise idée si elle avait été donnée avec les poignées, car avec les pointes elle a produit 2 trous dans le sac. Pour ne pas s'acharner sur le copain F., on ne dira pas qu'il avait oublié les couteaux à ski à la maison.

De son côté, A. également n'a pas été inactif : smartphone oublié sur le minibus lors du transfert du deuxième jour (heureusement récupéré par le chauffeur et rendu après le raid), oubli de ses clés dans un refuge (heureusement signalé par un autre groupe), gourde glissée dans la pente passant à quelques mètres de Ch., qui ne put que la regarder dégringoler 200 ou 300 m plus bas. "Je serais redescendu 50 m, mais pas 300 m" dit-il honnêtement.

"A qui est cette doudoune restée dans le refuge ?" demanda un membre du groupe espagnol avançant parmi les skieurs des autres groupes, qui ont déjà démarré l'étape (pour info Valsorey-Chanrion, une des plus techniques) ; elle était bien entendu à un membre de notre groupe (P.J. en l'occurrence).

"On m'a pris le DVA !" dit S. au cadre M., retourné au refuge voir ce qu'il foutait, alors que les autres l'attendaient depuis 20 min 300 m plus loin. Il s'avérera que personne ne l'avait volé, mais le cadre F l'avait pris par erreur, tandis que le sien dormait tranquillement au fond de son sac. Grâce au prêt à S. d'un DVA par le refuge, le groupe put ainsi profiter pendant les 2 derniers jours de 10 appareils pour 9 personnes.

Le même jeune S. peut se vanter non seulement d'avoir achevé les 7 jours du raid à 19 ans (alors que dans le passé beaucoup d'autres à 50 ou 60 n'ont pas pu à cause de la météo), mais aussi de l'avoir fait sans la moindre lanière de sécurité pour ses skis !

On n'oubliera pas les déboires de F. avec ses crampons s'adaptant à toute chaussure (rappelons : ceux qui auraient pu se retrouver en bas du glacier le premier jour) : avec leur cordelette douteuse reliant bloc avant et arrière, ils l'ont occupé longtemps avant qu'il trouve une solution permettant de les fixer avec les lanières, afin qu'ils ne tournent pas librement de 0° à 180° à l'avant... Mais il n'était pas le seul à avoir une relation conflictuelle avec ses crampons : même les cadres F. et M. furent confrontés à des déchaussages intempestifs avec leurs modèles superlight, allant jusqu'à une glissade chacun, heureusement vite enrayée. Pour finir, d'autres prouesses des cadres.

M. a utilisé l'application cartographique-GPS de deux manières différentes : -navigation réussie sur glacier dans un brouillard avec visibilité de 2 m - en proximité du refuge au pied de la Pigne d'Arolla (Vignettes en l'occurrence) et avec une visibilité de 20 km, au lieu de suivre l'itinéraire direct, marqué en plus par des cairns au niveau d'une crête qui cachait néanmoins le col de destination, préféra continuer à descendre pour chercher la traversée ascendante vers le col (il faut dire que la neige était assez fraîche et légère, comme dans la plupart du raid). Résultat : remontée de 200 m, atteignant ainsi ce jour-là 1700 m de dénivelé positif avec ses 4 compagnons, toutefois pas vraiment satisfaits de la performance.

Au départ de l'avant dernière étape, le cadre F. s'engage en ski dans une traverse descendante regelée à une vitesse inhabituelle, sans pouvoir éviter sur ce chemin étroit une sortie de route, le déchaussage d'un ski avec rupture de lanière (le ski se plantant miraculeusement dans la neige au lieu de glisser dans la crevasse 100 m plus bas), la chute du protagoniste quelques mètres plus bas dans la neige heureusement molle. Le vol aurait mérité un applaudissement, si les spectateurs n'avaient pas eu quelques inquiétudes, vite rassurés par l'inébranlable F., toujours optimiste et positif. Dans la réalité, ce périple d'une centaine de km (et 7500 ou 7700 m de dénivelé selon les participants…) a été encore plus divertissant que ces quelques épisodes laissent imaginer… (Marco)

https://skitour.fr/sorties/165219

M.

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