2024 Fiche 12: Question de choix
2024 Fiche 12: Questions de choix
Questions de choix
Juin 2024 : Arthur, grimpeur aguerri, organise une sortie avec Astrid, en ski-alpinisme ; le projet
était : montée par le couloir Bujon ou le couloir Nord pour atteindre ensuite le Brec de
Chambeyron, descente par le couloir Bujon à ski.
Sidonie, une copine ayant eu vent du projet, demande à Arthur si elle peut se joindre à eux, malgré
son niveau plus faible en ski et ses craintes des pentes fortes. Arthur la rassure : possibilité de laisser
les skis au pied du couloir, d'adapter les itinéraires de montée et descente selon les conditions, selon
ce qu'ils ressentent.
Tout est bon dans le matos : 2 piolets chacun, les crampons, etc, tout ce qu'il faut est emmené.
Beaucoup de neige ce week-end là. Une autre cordée part du refuge (2 personnes), même projet
mais sans ski.
Notre trio laisse les skis au pied du couloir Bujon car Sidonie ne se sent pas de descendre les
couloirs par la glisse.
Le Bujon est en bonne condition, montée tranquille. Ils poursuivent vers le sommet, arrivée au Brec
dans les temps. Mais le relais nécessaire pour descendre les quelques dizaines de mètres sous le
sommet n'est pas trouvable : sous la neige ! Donc perte de temps à la descente, avant d'arriver au
lieu où il faut choisir : descente par le Bujon ou par la voie normale.
Il est environ 11 h 30. La neige s'est beaucoup réchauffée pendant ce temps perdu. Du coup, Arthur,
hésite à descendre par le Bujon, La pente est raide, risque d'avalanche. Il se souvient que la
gardienne du refuge a dit qu'en début de semaine quelqu'un est monté par la voie normale. En plus,
ils voient revenir l'autre cordée qui n'a pas trouvé les relais dans le Bujon.
Arthur et Sidonie connaissent la voie normale en saison estivale, savent cette voie « péteuse »
lorsque c'est sec ; là, beaucoup de neige la recouvre. Sidonie préférerait descendre par le Bujon ;
elle mentionne que la voie normale est « paummatoire ».
Arthur choisit la voie normale. Les 2 groupes se sont rassemblés ; ils s'entraident tous les 5 pour
cette descente délicate : passages raides, très enneigés, de plus en plus « expo », désescalade avec
recherche d'itinéraire, ressauts, étroitures… Le matériel est mutualisé ; parfois laissé dans la voie.
Les téléphones ne passent pas pour prévenir qu'ils vont mettre beaucoup de temps. Un hélicoptère
vole au-dessus… Un rappel est tenté et réussi : ouf la corde est assez longue -mais se coince ; 2 vont
la chercher.
Il est 20 h lorsqu'ils arrivent au pied de la voie, 21 h au refuge. La gardienne inquiète avait donné
l'alerte, les cordées étant parties à 4 h 30 du matin.
Les recommandations que nous vous suggérons
Très difficile de savoir quel était le meilleur itinéraire de descente ; peut-être que chacun avait ses
avantages et ses inconvénients.
Beaucoup de choses ont été très bien faites : adaptation, solidarité ; le calme et le mental d'Arthur
qui ont aidé les autres à suivre, dans la cohésion… etc.
Quelles idées nous sont venues grâce à cette expérience ? idées visant les futures sorties, pas
forcément celle-ci. Nous en sommes conscients : facile de dire tout ça… après-coup !
- Pensons aux champignons ! Pas hallucinogènes mais ceux que l'on fabrique dans la neige pour se
faire un relais.
- Quand nous changeons de projet, élargir le questionnement, interroger les évidences : quelles
conséquences sur le cheminement, l'inclinaison des pentes… ? la présence ou pas de neige...
Surtout, bien prendre en compte la « variable temps » du nouveau projet : comment les durées vont-
elles être impactées ?
- Se mettre des barrières horaires, notamment lorsque l'on sait que la pente prend le soleil, faisant
fondre la neige particulièrement vite. Et du coup :
- Savoir renoncer (et en prendre la décision assez tôt). Renoncer à finir une rando, à une cascade
qu'on nous avait vantée,… voire : renoncer à un sommet, même mythique !
- Fonte de neige rime non seulement avec avalanche, mais aussi avec chute de pierres : le centre du
couloir Bujon était très garni en cailloux et la chaleur de la journée augmentant, le risque de chute
de pierres aurait été assez élevé.
- Une grande quantité de neige modifie la durée de la course ; avoir tendance à sur-estimer plutôt
que sous-estimer les temps nécessaires pour faire les manip' et pour cheminer.
- Toujours avoir en tête ce facteur humain qui n'est pas prêt de nous quitter : nous sommes parfois
« morts de faim » (= en manque d'alpi, de rando, de n'importe quelle activité) : cela peut nous
empêcher de tenir compte des voyants oranges. L'humain a tendance à prendre les info selon son
désir de les prendre.
- Comment faire lorsqu'on a un avis différent de celui de l'encadrant ? Sidonie dit qu'elle « n'a pas
insisté pour le couloir Bujon pour ne pas entrer en confrontation alors que le temps comptait »
(précision : le choix d'Arthur n'était pas forcément mauvais, là n'est pas la question). Oser dire son
avis est nécessaire ; bien sûr, c'est l'encadrant qui décide. Un cafiste pense que « ça peut perturber
l'encadrant, si tout le monde donne son avis ». Cela peut être vrai, il faut donc savoir donner son
avis : étayé, calmement, respectueux, avec humilité ; c'est ensuite la compétence de l'encadrant de
trancher. Car écouter les différents avis peut surtout lui permettre d'y voir plus clair.
Peut-être que les plus jeunes (et les femmes ?) osent moins s'affirmer ?
- Attention aux info que l'on glane : elles peuvent être incomplètes. Pensons à poser les questions
complémentaires pour aller plus loin. Dans cet exemple, cela aurait permis de comprendre que la
personne montée 6 jours plus tôt (délai pouvant d'ailleurs changer les conditions) était
redescendue… en parapente ! Donc info qui n'en est pas une.
Prendre conscience de l'influence qu'ont ces paroles glanées : elles induisent un comportement, un
raisonnement… souvent utile mais parfois piégeux. Info ou intox !?
- Pensons à emporter des maillons « jetables » !
- Avoir les radios du CAF. Si personne ne les a empruntées pour une sortie programmée, tout cafiste
peut s'en servir, même lors d'une sortie hors agenda ; certes, c'est lourd, mais (justement !), dans la
balance…
- Un échange a débuté, entre certains membres de la sortie et de la commission sécurité, sur le
thème : il y a t-il un « encadrant » lors des sorties hors CAF ? Souvent, ces sorties se font
"naturellement", sans "encadrant", à partir du moment où le niveau de compétences est homogène.
Chaque participant est donc acteur et responsable de la sortie, dans la prise de décision, le choix de
l'itinéraire, la mise en place des compétences techniques (assurage, progression), etc. Du coup, pas
de leader, pas de leadership ? Cette réflexion est peut-être à poursuivre en plus grand groupe ?